Journal de bord croisière du 11 au 20 février
Mercredi 11 février
Nous avons eu droit, à ma demande, à une visite des machines. Pour situer un peu les choses, disons que le bateau fait 250 mètres de long et que le château, où sont situées les habitations est à 190 mètres de la proue et à 40 mètres de la poupe. Le château fait sept étages dont le dernier est la passerelle. Ma cabine est au cinquième et fait l’angle arrière droit du château. J’ai donc deux hublots, l’un qui donne sur les containers et l’autre sur la mer au-dessus de ma couchette. Comme il y a à peu près la hauteur de trois étages entre la mer et le pont principal on peut considérer que la passerelle est à l’équivalent de dix étages soit peu ou prou dans les 30 mètres au- dessus de la mer. La quille à l’avant du navire contient six niveaux de containers, plus ceux qui sont au- dessus du pont.
L’officier mécanicien nous entraine dans la cale. On descend par des escaliers métalliques, suivis de passerelles, puis à nouveau d’escaliers. J’avoue ne plus me souvenir combien d’étages nous avons descendus, mais je pense que c’est quatre ou cinq. C’est un décor à la Jules Vernes. Tout est peint en vert olive. Le navire dispose de quatre moteurs Hunday, disposés parallèlement dans l’axe du navire et qui doivent bien faire dix mètres de long. On commence à les voir en surplomb depuis une passerelle, avant de descendre à leur niveau. On nous a passé des protège oreilles pour le bruit qui est assourdissant. A l’arrière un seul arbre, au bas mot un mètre de diamètre assure la transmission à une seule hélice. On voit la sortie de l’arbre à l’arrière du navire et, en soulevant une trappe, on voit le fond de la quille. Il fait trente degrés de chaleur et les conditions de travail doivent être assez dures. L’officier mécanicien nous montre également un atelier de ferronnerie où il est possible de fabriquer des pièces de remplacement. Ailleurs la salle où sont les machines qui assurent la transmission avec la passerelle, qu’on peut assimiler à une direction assistée. On voit également un incinérateur où doivent être brulés tous les déchets du navire, rien ne doit être jeté à la mer et j’ai bien l’impression que la règle doit être respectée à bord du Spirit of Hambourg. L’officier mécanicien, qui est croate répond très gentiment à toutes les questions, mais le bruit ambiant ne me permet pas de tout comprendre.
jeudi 12 février 2015
Le vent souffle fort, mais le soleil est dégagé et la houle pas trop forte. Malgré l’air marin le soleil est extrêmement brulant. Il va falloir sortir la crème solaire et le chapeau. On doit se rapprocher des tropiques.
Un mot sur l’organisation du bateau. Le capitaine est russe d’origine allemande. Derrière lui trois officiers appelés officiers un deux et trois assurent le pilotage du navire et se relaient sur la passerelle. Le premier officier est en fait le numéro deux du bâtiment. Il y a toujours au moins deux hommes sur la passerelle. Comme il se doit le troisième officier est celui qui assure les quarts du milieu de la nuit. Les officiers un, deux et trois sont birmans.
Il y a ensuite deux officiers spécialisés. Logiquement on trouve un officier ingénieur qui s’occupe des machines. C’est celui qui me les a fait visiter. Je ne connais pas son origine, mais c’est un européen, je pense d’Europe de l’Est. Il est assisté de deux ingénieurs : un européen et un birman.
On trouve également un officier électricien, ce qui m’a surpris au début. L’explication est simple, une bonne partie des containers est réfrigérée. On me fait remarquer les câbles électriques qui les relient à l’alimentation du bateau. Chaque container à température dirigée doit être vérifié trois fois par jour. L’officier est Ukrainien et son adjoint est éthiopien. Il a en sus un ou deux hommes. Ils donnent franchement l’impression d’être vraiment occupés.
Si je récapitule, le commandant, plus cinq officiers, plus trois hommes pour accompagner les quarts, plus les deux ingénieurs pour les machines, plus trois électriciens, plus le cuisinier, plus le steward, j’arrive à quinze dont j’ai identifié la tâche sur 23. Il y en a deux autres qui passent leur temps à repeindre le bateau en permanence. Comme ils ne mettent pas de panneau d’avertissement je m’en suis mis plein les mains. Bonne peinture, au bout de deux jours, il m’en reste encore des traces. Maintenant, avant d’attraper une rambarde, je vérifie qu’elle ne soit pas trop blanche.
vendredi 13 février 2015
Hier, en regardant la mer, j’ai vu défiler une grande zone de pollution. Je ne sais pas ce que c’était, mais ça donnait des bandes huileuses marron qui défilaient le long de la coque. On les a vues pendant au moins une heure. Vu que le bateau avance à 30 ou 35 kilomètres heure, on voit l’étendue du problème. Mon poste d’observation préféré est sur l’aile de la passerelle. On se trouve de ce point à l’équivalent d’un dixième étage, ce qui est assez loin au-dessus de l’eau. L’écume soulevée par l’étrave du bateau est normalement blanche. Il n’est pas rare de voir des bancs de mousse gris ou marron. Je pense que plus prêt de l’eau, on doit davantage remarquer la pollution. Il ne faut pas oublier que nous sommes encore à mille cinq cent kilomètres de la terre la plus proche.
Le soir, j’ai eu droit à un spectacle féérique. Comme nous approchons des tropiques le jour se lève et se couche beaucoup plus rapidement que sous nos latitudes habituelles. Le ciel était totalement dégagé et le bateau faisait cap plein ouest. J’ai vu le soleil s’enfoncer comme un dard de feu dans la mer, dans l’axe du navire. On aurait vraiment dit que le soleil tombait du ciel. Le spectacle se renouvelle sans cesse.
Un petit mot sur la salle de sport. Elle est au troisième étage, deck C. Pas très grande, mais assez bien équipée : un tapis déroulant de course, un vélo, des altères, une table de ping-pong et quelques autres instruments de torture. Dans la pièce attenante, la piscine : 5 mètres sur 3,5 et un sauna. L’allemande, Christel, barbotte un moment tous les matins. Je ne suis franchement pas tenté. Quand la mer est un peu grosse l’eau balance d’un côté à l’autre. Pour que ce ne soit pas l’inondation, la piscine est aux deux tiers remplie. L’eau ne parait pas très chaude et l’idée de descendre dans ce trou ne me tente pas spécialement.
Je me suis fait un petit programme quotidien qui commence par un quart d’heure de vélo, puis un peu d’altère, des abdos et enfin des assouplissements. Je sens que le programme est efficace. Je recommence à pouvoir toucher la pointe de mes pieds les jambes tendues, ce qui ne m’était plus arrivé depuis je ne sais combien d’années. Cette traversée est une véritable cure de santé : 8 à 9 heures de sommeil par jour, gym, air du large, nourriture très saine.
Par contre, je suis en phase de régression sur l’anglais. Je commence à saturer de ne pas pouvoir parler français. Le steward est birman et parle l’anglais avec un accent à couper au couteau. Je ne comprends rien de ce qu’il me dit et lui rien de ce que je lui dis. Il a de l’humour et du coup on s’est piqué un bon fou-rire. Le capitaine parle l’anglais avec l’accent russe et il est beaucoup plus compréhensible. On me reproche, comme toujours de parler trop bas. Il est vrai qu’un mauvais anglais chuchoté, on fait mieux pour se faire comprendre.
Samedi 14 février
Le temps est lourd, le ciel nuageux et le soleil très agressif à travers les nuages. Nous sommes arrivés à Caucedo trop tard pour pouvoir faire un aller-retour à Saint-Domingue. Le premier lieutenant me déconseille de descendre à terre à Caucedo, trop dangereux selon lui. Je me garde d’aller contre son avis. Le navire est barricadé et toutes les issues du château qui donnent sur les coursives extérieures sont fermées. Je dois passer par la passerelle pour pouvoir assister à la mise à quai.
Nous avons longé toute la matinée une côte plate avec des plages et des immeubles plutôt modernes. Nous sommes arrivés au port industriel vers treize heures. Les manoeuvres ne sont pas réalisées par l’équipage du navire. Deux heures avant l’arrivée, ce dernier reçoit un pilote détaché par le port d’arrivée et qui prend les commandes de l’approche et de la mise à quai. C’est la même chose dans tous les ports, évidemment.
Arrivé en parallèle du quai le bateau est poussé latéralement par deux remorqueurs, un à l’avant et l’autre à l’arrière, qui le mènent à son poste. Contre le quai, d’énormes amortisseurs permettent d’éviter tout dégât sur la coque. Le navire est positionné sous d’énormes grues qui vont assurer le déchargement des containers. Sur les câbles d’amarrages les marins positionnent des cavaliers métalliques destinés à empêcher les rats de monter à bord. La passerelle d’accès au navire est fixée sur un axe par l’une de ses extrémités. Un bras articulé permet de pousser l’autre extrémité de la passerelle sur le quai. Les marins enveloppent la passerelle d’accès d’un grand filet de sécurité. Je pense que, de ce fait, même saoul comme un polonais, il est impossible de tomber à l’eau. Le capitaine et le premier officier se sont mis en tenue du dimanche, c’est la première fois que je les vois en uniforme. Je n’ose pas les photographier, ils pourraient se vexer.
Nous voici donc dans la mer des Caraïbes. Je l’imaginais plus exotique. J’aurais préféré évidemment voir un peu à quoi ressemble Saint Domingue, mais je ne suis pas gêné de rester à bord. Il faudra attendre Carthagène pour mettre le premier pied à terre, arrivée prévue le mardi 17 février.
dimanche 15 février 2015
C’est dimanche, normalement jour de repos. Pour l’équipage le programme est un peu différent. Le dimanche est jour de ménage. Toutes les cabines doivent être nettoyées. Pour les passagers, pas de problème, c’est le steward qui s’en occupe le samedi. Le bateau dans son ensemble est d’une propreté remarquable, qui frise la maniaquerie. Le capitaine nous a expliqué que c’est un élément essentiel de la vie à bord et qu’il ne faut pas tolérer le moindre relâchement. Manifestement, la crainte des infections est assez grande. J’ai été assez surpris par l’équipement nécessaire. J’avais prévu des chaussures anti-dérapantes, qui sont naturellement strictement nécessaires. Toutes les passerelles extérieures sont métalliques et avec le vent et la pluie assez risquées si on n’est pas bien équipé. Je n’avais pas prévu qu’on ne doit pas circuler dans le château avec les mêmes chaussures qu’à l’extérieur. Il faut également une autre paire pour circuler dans les espaces de vie. Je descends aux repas en sandales, que je pose à l’entrée de la salle à manger, et je circule en chaussettes dans cette dernière. Tout le monde fait ça d’ailleurs sauf Christel, l’autre passagère allemande, qui elle à deux paires de sandales, l’une pour les couloirs et l’autre pour les pièces à vivre. Dans les couloirs, les gens laissent leurs chaussures devant la porte de leurs cabines. Cette propreté est étendue à tout le navire. La salle de sport est désinfectée tous les matins et les corridors internes reluisent de propreté. Même la salle des machines est d’une propreté remarquable, ce qui lui donne un aspect de décors de film. Deux marins passent une bonne partie de leur temps à repeindre les rambardes extérieures.
J’ai regardé le tableau de service qui est affiché au deck B ( le deck B est le deuxième étage, ma cabine est au deck E, soit au cinquième). Je suis à côté du premier officier et de l’élève officier colombien, mais je ne les croise jamais dans le couloir.
L’horaire de base est de neuf heures par jour. Les officiers sont particulièrement gâtés, ils fonctionnent sur une base officielle de douze heures par jours. Deux séquences de quatre heures à la passerelle et quatre heures de management de l’équipage et de tâches administratives diverses, sept jours sur sept. Si je compte bien on arrive à 84 heures par semaine. Il est vrai qu’ils ne sont pas gênés par les temps de transport. Le jeune éthiopien, qui est l’adjoint de l’officier électricien débarquera au retour de Valparaiso à Panama. Il aura passé sept mois et demi en mer sans avoir posé un pied à terre. Par contre, il restera trois ou quatre mois chez lui, en Ethiopie où il rentrera par avion. Il est content d’avoir accès aux mails et échange comme ça avec sa promise.
Le navire a repris la mer très tôt ce matin. Nous sommes en mer des caraïbes. Aucun changement par rapport à l’océan. Le temps est assez lourd et très chaud. Il faut éviter de s’exposer au soleil et bien se protéger.
lundi 16 février 2015
A cause du soleil, j’ai changé mes habitudes et je vais à l’extérieur plutôt le matin ou le soir. J’assiste au coucher du soleil, qui est un spectacle toujours renouvelé, suivant les nuages qui sont à l’horizon. Comme je l’ai déjà dit, nous sommes à la hauteur des tropiques et le soleil se couche très vite. Hier soir je suis donc monté sur la plateforme latérale de la passerelle. L’élève marin, le jeune colombien est venu faire un relevé au sextant du point de coucher du soleil. Il a posé son instrument sur une sorte de piton que je n’avais pas remarqué et qui est destiné à cet usage. Je croyais que tout le pilotage se faisait par positionnement satellite. Erreur.
Il ne reste plus que deux jours de mer à mon jeune colombien qui a terminé son stage et qui retourne à l’école. L’idée de retourner sur les bancs scolaires n’a pas l’air de le réjouir. Il lui reste un an et demi d’école, puis le service militaire, un an, et à la mer à nouveau.
Quand nous discutons le soir, il rentre dans la passerelle toutes les cinq ou dix minutes. Il m’explique qu’il doit régulièrement appuyer sur un bouton, sinon l’alarme se déclenche. C’est le même principe que pour les conducteurs de train. Ils sont deux de garde et il est avec le deuxième officier, qui sort fumer une cigarette. Pas de danger, la visibilité est excellente et doit porter sur des dizaines de kilomètres.
Je suis remonté vers onze heures. Il faisait un noir total, juste quelques hublots allumés. L’écume de l’étrave parait phosphorescente. Je ne comprends pas pourquoi je ne l’ai pas fait plutôt. Le ciel est magnifiquement étoilé, je ne me souviens pas d’en avoir vu un aussi beau depuis bien longtemps. Je passe un long moment le nez en l’air et il me semble reconnaitre certaines constellations. Beau spectacle, je recommencerai.
Mardi 17 février
A l’extérieur la température est devenue intenable pendant la journée. J’évite de sortir après neuf heures du matin ou avant cinq heures du soir. La vitesse du bateau est calée pour arriver pile à l’heure où il est attendu par les autorités portuaires. Manifestement nous étions en avance pour Cathagène, le capitaine a fait ralentir la vitesse au maximum. Le vent venait de l’arrière et rabattait la fumée sur le bateau. De ce fait les passerelles externes se sont retrouvées pleines de scories noires. Impossible de marcher à l’extérieur sans avoir les semelles pleines de suie, sans parler des coudes si on s’appuie à la rambarde.
Nous sommes arrivés à Cathagène ce matin à 6 H 00. On voit la ville moderne depuis le mouillage. Les gratte-ciel ultra-moderne semblent surgir de la mer, c’est d’un effet saisissant. J’ai mis pied à terre pour la première fois depuis Anvers. Il faut attendre que les autorités douanières soient passées à bord. On prend la navette, obligatoire pour aller à la sortie du port, puis un taxi pour aller à la tour de l’horloge, qui est l’entrée de la vieille ville côté mer caraïbe.
La vieille ville est entourée de remparts, je n’arrive pas à situer de quand ils datent. Les rues sont étroites et zigzagantes. Les maisons sont peintes de toutes les couleurs, les balcons travaillés pleins de fleurs, un vrai festival de lumière. Les vêtements des femmes sont aussi très colorés et très jolis. Il y a des étals de fruits dans tous les coins et je ne les reconnais pas tous. Je suis tenté d’en acheter, mais je crois qu’on ne peut pas les ramener à bord.
Le côté ville touristique de Carthagène me surprend. Tout est propre et on se sent vraiment tranquille dans les rues. Les idées préconçues prennent une claque. Bon, une journée pour juger, c’est peut-être un peu court !
Il n’y a que les passagers qui vont visiter à terre. Une bonne partie de l’équipage et notamment les électriciens a plus de travail que lorsque le bateau est en mer. La plupart n’ont pas vraiment envie de descendre. Le jeune éthiopien est en mer depuis sept mois sans avoir mis un pied à terre. Il posera son paquetage à Carthagène au retour. Le jeune Colombien, élève officier a débarqué ce matin, retour à l’école. Le steward birman est juste allé au duty-free.
Retour au bateau par le même circuit, taxi puis navette. C’est la première fois que je vois le Spirit of Hambourg de l’extérieur en plein jour. Le quai doit être moins haut que celui d’Anvers et du coup le bateau parait plus impressionnant. J’ai la bizarre impression de rentrer chez moi.
Mercredi 18 février
Nous sommes partis de Carthagene cette nuit à quatre heures du matin. J’ai été réveillé par le changement de rythme du bateau, mais je me suis rendormi aussitôt.
Comme tous les matins le steward est passé à la cabine. Jusqu’ici je ne comprenais rien à ce qu’il me disait et vice-verça. J’ai eu un déclic et on commence à pouvoir parler. A Carthagène, il est juste descendu du bateau pour aller faire un tour au duty free avec le cook. Il a ramené des photos de perroquets qui étaient dans le jardin attenant au duty free et me les montre. Le duty free est dans l’enceinte du port. C’est le même principe que pour les aéroports. On circule librement dans l’enceinte, à condition de prendre la navette. Il faut montrer patte blanche pour entrer ou sortir de la zone. Il y a une très forte ressemblance avec le tarmac des aéroports avec les zones marquées au sol. La navette zigzague entre les camions et les grues.
Quand le bateau arrive dans un port, personne ne peut descendre avant que les douanes ne passent. La chose est prise très au sérieux par le capitaine et son second. Ils sont en uniforme impeccable, le petit doigt sur la couture du pantalon. Le navire était tout sale de la suie de la fumée qui s’était rabattue sur le pont. Ils ont fait nettoyer en urgence le flanc du bateau qui est côté quai.
Avant l’escale, tout le monde, équipage et passagers, signe une feuille de déclaration attestant ne pas détenir de drogue, d’alcool, etc. Christel, qui a l’habitude, me dit qu’il n’est pas rare que les douaniers viennent fouiller les cabines.
Je ne les ai pas vus examiner les containers. En fait le système repose sur l’auto contrôle. Les compagnies maritimes blacklistent les chargeurs en qui elles n’ont pas confiance ; elles n’ont qu’une liste déclarative du contenu des containers. Le navire peut perdre beaucoup de temps si les douanes se mettent à vraiment contrôler le chargement. La compagnie maritime n’a pas d’autre moyen de maîtriser le chargement que de faire confiance à des clients chargeurs sérieux. Il est donc très important pour la compagnie maritime de ne pas avoir d’incident avec les douanes et que ces dernières ne trouvent rien de suspect à bord.
La compagnie Hamburg sud est spécialisée sur le commerce entre l’Europe et l’Amérique du sud. Elle doit détenir des parts de marché considérables. Dans les deux ports où nous sommes passés, j’ai vu des quantités énormes de containers aux couleurs de Hamburg sud.
Pour en revenir à mon steward il est depuis sept mois à bord du navire. Il s’arrêtera au retour du Chili à Carthagène pour rentrer en Birmanie en avion. J’ai l’impression que la durée standard de passage à bord, pour l’équipage, tourne dans les sept à huit mois. Il est marié et a un garçon de deux ans, qu’il n’a donc plus vu depuis sept mois. C’est une joyeuse nature et il rit en me racontant son histoire. Il m’explique qu’il a trois bouches à nourrir et qu’il n’a pas vraiment le choix. Il ne passera qu’un mois ou deux en Birmanie avant de reprendre la mer sur un autre navire de la compagnie.
Jeudi 19 février
Nous sommes arrivés ce matin vers sept heures à Manzanillo, avant- port de l’entrée du canal de Panama. Nous ne nous y sommes pas attardés puisque le bateau est reparti vers midi. Comme d’habitude le pilote vient à bord et guide les manœuvres pour entrer et sortir. A la sortie de Manzanillo, je l’ai vu descendre du Spirit pour retourner sur son remorqueur.
Dans le port nous avons vu des quantités de tout petits oiseaux noirs, aux ailes aux reflets verts, qui virevoltaient de partout. Je n’en avais jamais vu de pareils.
La sortie de Manzanillo constitue un immense cimetière marin, absolument saisissant. Quelques bateaux sont échoués sur le rivage, mais la plupart sont à l’ancre, répartis dans la baie. On voit des formes de coque disparues depuis longtemps. Il y a de nombreux cargos, un peu sur le modèle de celui du capitaine Haddock.
Le Spirit of Hambourg est juste sorti du port de Manzanillo et a jeté l’ancre. Nous sommes à une heure de l’entrée du canal de Panama. Le planning prévoyait que nous commencerions notre traversée à deux heures du matin vendredi. J’ignore si nous attendrons jusque- là ou si nous passerons avant. Je n’ai pas l’impression que le capitaine en sache beaucoup plus.
Ce matin, j’ai vu le steward riant aux éclats, son portable à la main. Il m’a dit qu’il était en communication avec sa femme. Après ça, il m’a montré les photos de son fils. Il riait de fierté. Touchant. Qu’on ne dise pas que les échanges électroniques ne sont pas un progrès.
Information de dernière minute Le Spirit of Hambourg a jeté l’ancre et attend le rendez- vous de deux heures du matin pour entamer la traversée du canal.
vendredi 20 février 2015
Je me suis réveillé à cinq heures et je suis vite monté sur le pont. Le bateau arrive à une série d’écluse. Il fait nuit mais les projecteurs illuminent la scène comme en plein jour.
Il y a deux séries d’écluses en parallèle et toute une file de bateaux derrière nous. Le nôtre s’oriente vers l’écluse de droite. Le canal se rétrécit par ce côté. Deux remorqueurs nous poussent contre le côté gauche de l’écluse.
Deux câbles sont tendus de chaque côté Ils nous relient à d’énormes locomotives qui tirent le bateau vers l’intérieur de la première écluse. On a vraiment l’impression de mettre des pieds de 42 dans des chaussures de 38. Le Spirit entre tout de même bien dans la première écluse. Les portes se referment derrière nous et le bassin se remplit.
Les deux séries d’écluses ne sont pas synchronisées. Quand notre bassin est plein, un autre navire entre dans celle qui est à notre hauteur à gauche. De ce fait on le surplombe vraiment. Impossible de voir l’eau sur le côté du navire tant le passage est étroit.
Nous escaladons ainsi les trois étages d’écluses avec la série de bateaux qui nous accompagne.
A huit heures, tout est bouclé et nous nous retrouvons dans le lac central du canal où nous mouillons à nouveau l’ancre jusqu’à midi.
En fait le canal fonctionne à sens unique. Les bateaux qui viennent de l’Atlantique entrent le matin et sont regroupés dans le lac central. Il en est de même côté pacifique. A midi, on change de sens et les bateaux qui arrivent du Pacifique vont redescendre vers l’Atlantique, tandis que nous nous dirigerons vers le Pacifique.
Autour de nous, je reconnais plusieurs bateaux qui nous environnaient au mouillage hier après-midi et qui attendaient comme nous le passage du canal. Un nouveau venu, pas très loin, dont je ne sais pas s’il vient de l’Atlantique ou du pacifique. C’est le sister-ship du Spirit of Hambourg. Il s’appelle d’ailleurs « Hamburg- Sud » et est totalement identique au notre.
Il fait chaud mais raisonnablement et un léger vent vient rafraichir l’atmosphère. Le lac est parsemé d’iles et la nature a l’air luxuriante.
A midi le bateau a repris sa course et s’avance dans le lac. Le chemin que doivent emprunter les navires est bien balisé et le Spirit of Hamboug ne s’en éloigne pas d’un pouce.